Le jour s’est levé depuis un moment maintenant, et j’avais occupé ma nuit à jouer inlassablement une bonne partie de la nuit avec celui que j’appelais maintenant Rex.

Un compagnon fidèle, une arme contre l’ennui.

Cela me réconfortait d’avoir une présence à mes côtés, mais découvrir Rex avait provoqué encore des tas de questions en masse dans mon esprit.

Dont une en particulier : « si nous envisageons que Rex est mort, et qu’entre mort, nous pouvons nous voir, nous toucher, alors est-ce qu’il en va de même avec des personnes à part entière décédée ? »

Alors, pour me changer les idées, j’avais décidé d’emmener Rex en promenade, au bord du front de mer de Seattle.

*

*  *

- Amy  -

Dans un certain studio de danse, au cœur de Seattle, moi, jeune lycéenne, j'arrive dans la salle de danse après avoir fais un tour par les vestiaires, afin de commencer mes cours particuliers avec celui que j'étais priée d'appeler Joshua.

Ce dernier m'attendait, beau comme un dieu.

Il était issu d'une famille riche, et était l'homme le plus désiré que connaissais, et pourtant, il était loin d'avoir prit la grosse tête.

- Bonsoir Amy, me salua Nolan poliment en me gratifiant d'un sourire.

- Bonsoir, répondis-je timidement.

- Prête?

- Et comment.

Je m'avançais vers lui, et il m'entraîna plus loin du mur tout en dansant divinement bien.

Il était mon partenaire de danse, avec lui, je pouvais m'évader, nos pas coordonnés sans aucune difficulté, je pouvais laisser libre cour à mes envies, jamais, ô grand jamais il ne faiblissait.

Il était un prof talentueux, mais désiré.

Trop désiré, pour s'enticher de la pauvre lycéenne que j'étais.

Pourtant, lorsqu'on dansait, j'avais l'impression d'être sienne, l'impression que nous ne faisions plus qu'un.

Parfois, lorsque nous dansions et que ses yeux croisaient les miens, je me sentais virer au cramoisi, et un sourire moqueur, mais poli, se dessinait sur ses jolies lèvres. Je dois avouer que, depuis que je suis ses cours, je ne sais plus exactement ce qui me captive tant. La danse, ou le professeur.

Et nous dansions, inlassablement, encore et encore, comme en transe, en dépit des minutes qui s'écoulaient. Sans mots, sans geste, sans signe, seulement deux corps qui dansaient, seulement deux corps qui ne faisaient plus qu'un. Juste deux passions violentes en action.

Et puis vint l'heure que je redoutais, que j'aurais aimé repousser: dix-neuf heures. C'était la fin du cours, et je devais léguer ma place à Meredith, danseuse expérimentée, bien plus jolie que moi. Elle était dans mon lycée, dans ma classe,  même. Je n'avais jamais haïs une personne autant que je la haïssais elle.

C'était le genre de fille qui passe son temps à draguer, voir carrément à « allumer » tout ce qui a un pénis.

Je voyais bien qu'elle le désirait, mon Nolan. Je voyais bien sa frustration palpable lorsqu'il se contentait de lui faire son cours, et non pas de répondre à ses avances pour s'éclipser discrètement dans les vestiaires avec elle.

Mais un jour, elle l'aura. Un jour, il faiblira. Et quand ce jour arrivera, les choses vont mal se passer, très mal se passer.

Et c'est avec étonnement et émerveillement que je découvre un chiot au sol, gémissant de douleur.

J'approchais ma main, risquant par ce simple geste de recevoir la décharge électrique qui se produisait à chaque fois que je touchais quelqu'un. Mais j'avais le sentiment que je ne la ressentirais pas cette fois, car le chiot leva un regard suspicieux vers ma main : il me voyait.

 Je caressai ses poils doux, d'abord timidement, craignant la douleur, la décharge. Mais en constatant qu'elle n'arrivait pas, j'y mis plus de cœur. L'animal, dans un ultime effort, réussi à se tenir sur ses quatre pâtes, se grandissant pour coller son crâne un peu plus fort contre ma main, réclamant des caresses.

S'il pouvait me voir, c'était qu'il était certainement mort, lui aussi.

- Alors quoi, tu as sauté par la fenêtre, Rex? Lui parlai-je idiotement. Il aboya en guise de réponse, les yeux émerveillés.

J'allai chercher un bâton, et nous nous mîmes à jouer ensemble.

Aussi idiot que cela puisse paraitre, j'appréciais la compagnie de ce chien.

Perturbée par toutes ces révélations, je suis sortie prendre l'air, j'ai longuement marché en rêvassant de ma vie d'avant, de ma vie de vivante. Je me suis demandé quel caractère j'avais, comment j'étais morte et pour quelle raison.

Le soleil se couchait et une nouvelle nuit d'ennui s'annonçait pour moi. Je commençai à vraiment redouter la nuit, même si le jour n'était pas mieux, quel que soit l'heure, je m'ennuyais à mourir.

Seule chose pour me réconforter, j'apprenais petit à petit ce qui m'arrivait.

Un bruit m'intrigua et détourna mon attention, il venait de l'entrée d'un garage abandonné. Je m'avançais sans crainte, de toute façon, j'étais déjà morte, que risquer de plus...

J'observai plus longuement la photo, et réussi à lire, en bas à droite, une inscription manuscrite :

Ray & Ana

09/03/06

C'était donc moi, la fille sur cette photo. Ana. Je me jaugeai plus longuement, avec plus d'intensité, tentant de retrouver une part de moi en cette personne.

Elle était plutôt belle.

Je finis par conclure que moi et Ray étions frère et sœur, une telle ressemblance ne pouvait être due qu'à un lien de parenté fraternel.

Cet homme était donc mon frère.

Je commençai à mieux comprendre, s'il était effondré, hier, c'est à cause...

De ma mort.